back-arrow 7 décembre 2020

Médecins, infirmiers, livreurs… Quand et quoi manger lorsqu’on travaille la nuit ? (Partie 2)

De manière générale, une bonne santé repose sur l’équilibre d’un sommeil réparateur, d’une activité physique régulière et d’une alimentation saine. Cette hygiène de vie devient même essentielle et particulièrement conseillée aux travailleurs en horaire décalé pour aider leur corps à surmonter le travail de nuit. Cette période est, comme on le sait tous, intense pour certains secteurs au détriment parfois de la santé des travailleurs. Ajouter à cela l’organisation d’une hygiène de vie rigoureuse, ça devient assez compliqué pour les travailleurs de nuit. Alors pour faire simple, allons à l’essentiel …

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Quel menu pour quel horaire ?

Travailler en horaire décalé ne signifie pas que toutes les personnes concernées commencent à 18 heures pile et terminent à 6 heures du matin. Dans ces entreprises ou institutions qui fonctionnent 24 heures / 24, les rotations se font tout au long de la journée et de la nuit avec autant d’horaires décalés que de façons de manger différentes. Ci-dessous, vous trouverez quelques exemples d’horaires accompagnés de menus. Outre une alimentation saine, il est essentiel de maintenir un rythme régulier pour aider le corps à s’adapter le plus naturellement possible à rester actif en horaires décalés.

Si vous travaillez la nuit :

  • Le dîner (13h)
    On compose l’assiette du diner par la moitié de légumes, puis de féculents complets avec environ 100g d’aliments protéiques.
    Exemple : assiette de crudités, spaghettis bolognaise.
  • Le souper : complet mais plus protéique que gras ou riche en féculents (20h)
    Le souper se composera toujours de féculents complets mais on augmente les proportions protéiques en passant de 100 à 150g et toujours autant de légumes qu’au diner, soit la moitié de l’assiette.
    Exemple : petits pois et carottes, boulgour, cabillaud au four.
  • La collation (01h)
    Attention, il ne s’agit pas d’un deuxième souper ! Les proportions doivent rester celles d’une collation. Pourquoi chaude ? Car elle va stimuler la digestion et réchauffer l’organisme qui se refroidit pendant la nuit.
    Exemples : soupe de légumes, risotto de légumes, choucroute avec une saucisse, risotto de millet, omelette aux champignons sur toast, sandwich de pain complet avec du fromage ou des sardines… ​
  • Le petit déjeuner : léger, au domicile ou sur le lieu de travail. (06h30)
    Qu’il soit pris encore sur le lieu de travail ou à la maison, le petit déjeuner reste léger avec une boisson, un produit céréalier, un fruit, une garniture protéique ou un produit laitier. Pensez également à ne pas boire de trop, au risque de perturber votre sommeil par l’envie de devoir aller aux toilettes.
    Exemple : une tisane, lait avec flocons d’avoine, kiwi.

Pour la nuit en particulier, des repas trop copieux et trop gras empêchent une bonne digestion, déjà perturbée de nuit. Si vous êtes sujet(e) à des baisses de glycémie, il vaut mieux privilégier des collations à heure fixe.

  • Le petit déjeuner (04h)
    Il est préférable de fractionner le petit déjeuner en deux temps. Commencez par une boisson et un fruit tôt le matin et complétez-le deux heures plus tard avec une collation plus complète dans la matinée.
    Exemple : un chocolat chaud et une poignée de mûres, puis en collation du fromage blanc avec du muesli non sucré et une cuillère à café de sirop d’agave.
  • Le dîner (13h30)
    Il doit être complet mais pas trop copieux s’il est suivi d’une sieste (vers 14h-14h30, max 20 minutes).
    La moitié de l’assiette se compose de légumes, de féculents complets et de +/- 100g d’aliments protéiques.
    Exemple : poêlée de légumes, riz, pavé de saumon en papillote.
  • Le souper (19h30)
    Léger et pris pas trop tard, l’idéal est qu’il compose votre assiette d’une moitié de légumes, un quart de féculents complets puis d’une garniture protéique ou d’un produit laitier.
    Exemple : salade de concombre et tomates, pain multi-céréales, jambon cuit ou houmous.

Dans ce type d’horaire, il est conseillé d’éviter les boissons énergisantes après 15h.

Cet horaire reste plus proche des horaires « normaux », excepté que le repas de midi est pris un peu plus tôt et le repas du soir un peu plus tard.

  • Le petit déjeuner (08h30)
    Une boisson, un produit céréalier, un fruit, une garniture protéique ou un produit laitier.
    Exemple : thé à la menthe, pain complet, œufs à la coque, une dizaine de petites fraises.
  • Le dîner (12h30)
    Le diner est complet mais plus protéique que gras. La moitié de l’assiette de légumes, féculents complets, 100 à 150g d’aliments protéiques.
    Exemple : salade estivale, pommes de terre, escalope de poulet grillé.
  • La collation (16h)
    La collation est indispensable pour pouvoir tenir le coup jusqu’à la soirée. Elle complète donc les apports du reste de la journée.
    Exemples : fruit, yaourt, noix, noisettes, amandes, barre de céréales, flocons d’avoine, pain avec garniture…
  • Le souper (21h30)
    Léger, le souper compose la moitié de l’assiette de légumes, un quart de féculents complets, une garniture protéique.
    Exemple : soupe de légumes, pain complet, fromage frais.

« Grignoter quelque chose de sucré pour avoir un peu d’énergie »
Le sucre ne donne pas de l’énergie en tant que telle. Le meilleur moyen d’avoir de l’énergie c’est en mangeant de vrais repas et de vraies collations à des heures adaptées. De plus, beaucoup de personnes ont tendance à confondre signes de fatigue (somnolence, baisse d’énergie) et signes de faim. Pour soulager un signe de fatigue, l’alimentation n’est pas le bon choix ; il vaut mieux faire une pause et se reposer. Manger sucré va surtout créer un pic glycémique inadapté.
A savoir également, l’organisme est régulé par un cycle avec un « coup de mou » entre 14h et 16h mais aussi entre 4h et 5h, à cause de la chute de la mélatonine.

« Grignoter pour se caler rapidement »
C’est la porte d’entrée vers des grignotages multiples durant toute la garde. Il vaut mieux manger un repas consistant qui permettra d’être réellement rassasié.

« Ne pas manger par peur de se sentir lourd »
Il est important de manger et de manger des repas adaptés, qui par conséquent ne donneront pas l’impression d’être lourd. Manger un vrai repas permet d’éviter les grignotages intempestifs par la suite.

Une vraie collation est choisie et planifiée, ce qui n’est souvent pas le cas des grignotages. Le grignotage devient un souci s’il est fréquent et qu’il n’est pas sain. Ce sont d’ailleurs souvent des aliments sucrés et gras.

Il faut rester vigilant au grignotage car il peut vous entrainer sans que vous ne vous en rendiez compte, dans un cercle vicieux. Grignoter coupe en effet la faim pour le repas suivant, durant lequel vous mangerez moins. Quelques instants plus tard, la faim reviendra plus rapidement à cause de ce repas « léger » et vous risquerez de vous réorienter vers le grignotage, solution rapide et pratique, mais ô combien malsaine. Le bilan de la journée d’un plan nutritif ne sera finalement pas si bon que ça, vu que la quantité d’aliments gras et sucrés ingérée sera plus importante que la proportion d’aliments sains du repas.

Au final, vous risquez d’inverser les proportions et d’en arriver à manger léger aux repas principaux mais de les combler avec des grandes collations.

Si vous grignotez ou que vous en ressentez l’envie , il est intéressant de vous demander « pourquoi ? ».

  • Parce que j’ai sauté un repas ? Alors vous avez besoin d’apports alimentaires à heure fixe.
  • Parce que je suis tenté.e ? Essayez d’éviter les situations de tentation …
  • Parce que j’ai trop de temps entre deux repas ? Planifiez-vous une vraie collation saine.
  • Parce que je suis stressé.e ? Tentez de trouver d’autres alternatives pour activer votre système de récompense que via l’ingestion de sucre ou de graisses.
  • Buvez en suffisance : eau, tisane, bouillon…
  • Prenez le temps de manger (environ 30 minutes) et mangez à table dans un endroit calme.
  • Adaptez les horaires des repas pour partager au moins un repas avec quelqu’un (famille, collègues…). Préservez votre vie sociale et familiale.
  • Faites des changements pas à pas : remplacez par exemple une pause-café par une pause fruit, remplacez une boisson sucrée par une tisane…
  • Préparez à l’avance les repas et les collations pris au travail, en choisissant les bonnes portions. Essayez de présenter joliment les repas.
  • Variez et équilibrez l’alimentation, faites-vous plaisir mais sans excès.
  • Evitez les boissons sucrées ou énergisantes, surtout 4 ou 5 heures avant le coucher.

En conclusion

Un sommeil de qualité, une activité physique régulière, une bonne alimentation et du lien social sont des moyens efficaces pour s’adapter au rythme des horaires décalés. Mais chaque travailleur est différent et l’organisation d’une bonne hygiène de vie pendant les pauses doit être individualisée, adaptée aux possibilités de chacun. C’est pourquoi, outre les conseils généraux cités dans cet article, il est tout à fait possible de répondre à toutes vos demandes complémentaires sur l’alimentation pour des travailleurs à horaire décalé. N’hésitez donc pas à nous contacter à l’adresse info.befit@experconsult.be .

Astrid Bovesse
Diététicienne chez Experconsult

 

Références :

  • Agemetra (2015), « Vos horaires de travail sont atypiques… »
  • AISMT 13 (2018), « Le travail posté »
  • Alsace santé au travail (2007), « Idées de menu et travail posté », Fiche n°11
  • Bataille-David, V Carlier, H and Jeanneret, C (2009), « Le travail posté en partie de nuit », Annecy santé au travail
  • Cardinaels, J and Noël, S (2018), « Le travail de nuit et travail posté : quels sont les risques pour le travailleur ? », Wolters Kluwer, SENtral
  • Chevalley, C Farina, E Kunz, A Lalombongo, R Theubet, A Dudley-Martin, F Bucher Della Torre, S (2012), « Travail de nuit et alimentation: Comment concilier les deux? », Nutrinight, Haute Ecole de Santé, Genève
  • Grossenbacher, L Vetsch, C Kruseman, M and Bucher Della Torre, S  (2013), « Alimentation et travail de nuit : pratiques et perceptions », Cahiers de nutrition et de diététique, n° 48, S57–S175, p 39
  • Pôle Santé Travail- ISTNF-CISST-ASTAV (2010), « Alimentation et horaire décalé », NUTRI-SOM’
  • SECO (2005), « Pauses et alimentation : conseils à l’intention des travailleurs », 2d édition
  • SECO (2017), « Travail de nuit et travail en équipe : recommandations alimentaires et conseils pratiques »
  • Sevin A (2018), « Sommeil et alimentation : travail de nuit ou en horaires décalés», Archives des Maladies Professionnelles et de l’Environnement, Th9-P435, p 462
  • Viot-Blanc V (2015), « Sleep duration and metabolism », Revue des Maladies Respiratoires, n°32, pp 1047—1058