back-arrow 19 décembre 2023

Limiter l'exposition aux pfas

Les « PFAS » (per- ou polyfluoroalkylés), sont des composés organiques partiellement ou entièrement fluorés. Ils ont une très grande résistance à la dégradation. Cette particularité implique une persistance prolongée de ces substances dans l’environnement, justifiant ainsi leur surnom de « composés chimiques persistants ». On a beaucoup parlé récemment des effets possibles sur la santé d’une exposition trop importante, mais quels sont les risques réels ? Et comment réduire l’exposition aux PFAS au travail ?

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Où peut-on trouver des PFAS ? Utilisation et exposition

Plus de 4500 PFAS ont été créés par l’homme pour diverses applications, principalement en raison de leurs propriétés hydrophobes et oléophobes, les rendant résistants à l’eau et aux graisses. Ils ont été utilisés dans :

  • des produits de consommation, tels que les ustensiles de cuisine antiadhésifs (comme le Teflon®),
  • les emballages alimentaires jetables
  • dans les revêtements de sol
  • dans certains produits cosmétiques  (poudres de maquillage, les mascaras, les soins anti-âge ou encore les fonds de teint, vernis à ongles, fils dentaires, shampoing ainsi que les produits Waterproof®).
  • de nombreux sites ont été contaminés à la suite de l’utilisation d’extincteurs à mousses (agents moussants filmogènes à base d’eau – AFFF) lors de formations pour la lutte contre les incendies, notamment à proximité des aéroports et des bases militaires
  • Les PFAS peuvent également être présents dans les déchets résiduels destinés à l’incinération, à l’enfouissement ou au recyclage.

En raison de leur omniprésence, toute la population est exposée. Pour la population générale, l’eau potable est la principale voie d’exposition humaine aux PFAS ainsi que les aliments riches en protéines (œufs, poissons, gibiers, …).

Effets sur la santé

Les PFAS ne sont pas sans risque pour la santé. Avec plus de 4000 congénères, chaque sous-groupe de PFAS présente des profils toxicologiques distincts, rendant complexe l’identification des effets et des organes cibles potentiels. Dresser une liste exhaustive de tous les effets possibles attribuables à une exposition aux PFAS est extrêmement difficile.

Les effets sur la santé associés aux PFAS avec des preuves suffisantes sont :

  • atteinte du système immunitaire se traduisant par une diminution de la production d’anticorps, impactant notamment la réponse vaccinale contre des maladies telles que la diphtérie et le tétanos, tant chez l’adulte que chez l’enfant
  • perturbation du métabolisme des lipides provoquant une dyslipidémie (taux anormalement élevé de lipides (graisses) dans le sang) chez les adultes et les enfants
  • impact sur la croissance entraînant une réduction de la croissance chez les nourrissons et les fœtus
  • risque accru de cancer du rein chez les adultes
  • un risque accru de maladie et de dysfonctionnement de la thyroïde chez les adultes
  • un risque accru de dysfonctionnement de la thyroïde chez les adultes

Il est important de noter que les effets constatés ne sont pas toujours spécifiquement attribuables à l’exposition aux PFAS. D’autres facteurs et étiologies peuvent également contribuer aux effets observés.

Les individus les plus susceptibles de subir des effets néfastes sur leur santé sont les groupes de population vulnérables tels que les enfants et les personnes âgées.

Quelles sont les mesures à prendre pour réduite le risque d’exposition?

Il convient de prendre des mesures à différents niveaux, allant de l’élimination à la source à des mesures individuelles.

Interdiction de production et restriction d’usage

Plusieurs PFAS font l’objet de restrictions, en vertu du règlement REACH. Celle-ci sera bientôt remplacée par une nouvelle restriction dans le cadre du règlement sur les POP, qui comportera des dérogations plus limitées.

Malheureusement, tous les pays n’ont pas adhéré à ces restrictions. Par conséquent, bien que certains PFAS soient interdits en matière de production ou fassent l’objet de restrictions d’utilisation, ils peuvent se retrouver sur notre territoire via l’importation de produits en provenance de pays n’ayant pas participé à cet accord.

Contrôle de la qualité de l’eau potable

À partir de 2026, l’eau potable dans l’Union européenne ne devra plus contenir qu’une concentration inférieure à 100 nanogrammes par litre (ng/L) de 20 types de PFAS. Un maximum de 500 nanogrammes par litre est fixé pour des autres types de PFAS.

Pour obtenir des informations sur les taux de PFAS dans le réseau de distribution, il est possible de consulter le site de VIVAQUA pour la région de Bruxelles, De Watergroep pour la région Flandre et de la SWDE pour la Wallonie. Les rapports d’analyses sont disponibles gratuitement et fournissent les valeurs médianes des prélèvements effectués.

En réalité, il n’existe pas de seuil précis connu en deçà duquel il n’y aurait aucun danger. L’objectif est de maintenir la concentration de PFAS aussi basse que possible pour limiter les risques potentiels.

Contrôle des denrées alimentaires

Une limite de sécurité, exprimée sous la forme d’une dose hebdomadaire tolérable (DHT), a été établie à 4,4 nanogrammes par kilogramme de poids corporel par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Cette mesure vise à réguler quatre les plus couramment présents dans l’environnement et, par conséquent, dans notre alimentation.

Les autorités européennes ont défini des seuils maximaux pour certains aliments afin de préserver la santé des consommateurs. Ces directives concernent divers produits, tels que les œufs, les poissons destinés à la confection d’aliments pour les nourrissons et les adultes, les crustacés, mollusques, ainsi que les viandes et abats comestibles. Depuis le 1er janvier 2023, la commercialisation de produits ne respectant pas ces limites est interdite. Cette normalisation, est étroitement surveillée par l’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire (AFSCA).

Interdiction des PFAS dans les extincteurs

Une interdiction générale des PFOS dans les extincteurs sera approuvée par la Commission européenne en 2024.

Des interdictions sont déjà en place pour certains PFAS :

  • l’utilisation des PFOS dans les mousses anti-incendie est interdite depuis 2011 (règlement REACH, annexe XVII, entrée 53)
  • En ce qui concerne les extincteurs contenant du PFAO, leur production est en pratique arrêtée depuis des années (depuis 2016). Bien que l’interdiction stricte ne prenne effet qu’à partir de 4/7/2025. Cependant, des extincteurs à mousse contenant du PFAO ou des composés apparentés sont encore présents dans de nombreux endroits.
  • Les PFAS et C9-C14, sels et composés apparentés sont également déjà interdits dans le règlement REACH (annexe XVII, entrée 68). Il est difficile de dire si des dispositifs contenant ces PFAS sont encore utilisés.

Comment puis-je savoir si mon extincteur contient des PFAS ?

Le mieux est de contacter votre fournisseur et de lui demander les fiches techniques des appareils existants. Les appareils plus anciens (10 à 15 ans) peuvent certainement encore contenir de l’PFOA. Les appareils plus récents peuvent encore contenir des PFAS dont la date limite d’interdiction légale n’est pas encore connue.

Les extincteurs à mousse sans PFAS sont reconnaissables à la mention “FLUOR FREE” sur l’appareil. Sur les sites web, on lit parfois FFF, ce qui peut signifier “fluorine free foam » (mousse sans fluorine). Malheureusement, la même abréviation est également utilisée pour d’autres significations, telles que “fire fighting foam » (mousse anti-incendie) et AFFF (Aqeous film forming foam) mais cela ne dit rien sur la teneur en PFAS.

Sur la base de votre inventaire et des informations fournies par vos fournisseurs, déterminez quels extincteurs à mousse peuvent encore contenir de l’PFOA. Ceux-ci doivent légalement être remplacés d’ici le 4 juillet 2025.

Mesures individuelles 
  • Consommation d’eau filtrée (du réseau de distribution) :
    • Filtrer l’eau avant de la consommer est une bonne solution pour diminuer l’ingestion de PFAS. Les filtres à charbon actif peuvent adsorber les PFAS, réduisant ainsi leur concentration. Les filtres doivent cependant bien entretenus pour être efficaces.
    • La consommation de l’eau filtrée est préférable à la consommation d’eau embouteillée. L’eau en bouteille peut être une source de pollution supplémentaire (celle du plastique, responsable d’un fléau écologique). Il est à noter toutefois que l’eau en bouteille, provenant des nappes phréatiques, peut contenir à de faibles doses des perturbateurs endocriniens et autres polluants.
    • Porter l’eau à ébullition pour éliminer les PFAS ne sert à rien. Le point d’ébullition des PFAS est largement supérieur à une température de 100°C.
  • l’utilisation de matériaux susceptibles de contenir des PFAS doit être évitée.
  • Les cosmétiques (fond de teint, mascara, crèmes anti-âge) contenant des PFAS sont à éviter.  Leur présence se vérifie en lisant la liste INCI des produits cosmétiques. On peut les retrouver sous les appellations suivantes :
    • PTFE
    • PERFLUORODECALIN
    • PERFLUORONONYL DIMETHICONE
    • POLYPERFLUOROMETHYLISOPROPYL ETHER
    • METHYL PERFLUOROISOBUTYL ETHER
    • PERFLUOROHEXYLETHYL TRIETHOXYSILANE
    • PERFLUOROHEXANE
    • POLYPERFLUOROETHOXYMETHOXY DIFLUOROETHYL PEG PHOSPHATE
  • Il est recommandé de varier son alimentation pour limiter l’exposition potentielle aux PFAS présents dans certains aliments. 

Conclusion

Les récentes préoccupations concernant les eaux contaminées provenant de différentes stations de distribution d’eau potable ont mis en lumière les PFAS. La chose la plus importante à retenir c’est que ces composés ne sont qu’une partie d’un problème environnemental plus vaste. Outre les PFAS, de nombreux autres polluants, tels que des pesticides, des perturbateurs endocriniens, des microplastiques, sont présents dans notre environnement. Ce constat souligne l’ampleur de la problématique environnementale.

Il est donc essentiel que nous commencions à consommer de manière plus responsable et plus écologique, non seulement pour notre propre bien-être, mais aussi pour préserver la santé de notre environnement pour les générations futures.

Sources consultées

 

Dr. Deborah Bartolotta
Conseiller en prévention-médecin du travail et hygièniste