3 mars 2020
« Tout va bien dans mon travail, et pourtant … J’ai l’impression qu’il y a comme un soucis depuis quelques temps. Je n’ai ni trop de travail, ni trop peu. Ce n’est pas ça le problème. Non, c’est plutôt le contenu car je ne m’y retrouve plus. Pour moi, il est vide de sens. Ça ne me correspond plus. J’ai perdu toute motivation. Je me sens en mode « exécutant » parce qu’il faut bien faire le job, mais ça s’arrête là. ».
Ces paroles, vous auriez pu les formuler vous-même ? Ce sont celles d’Arnaud, embauché depuis un an dans une boite de communication. Comme lui, vous êtes nombreux à ressentir ce qu’on appelle le brown-out. Vous n’êtes ni en surcharge de travail avec des effets d’épuisement professionnel (burn-out), ni en sous-charge de travail où l’ennui vous cause un état dépressif (bore-out). Le brown-out vient directement de l’anglais et signifie littéralement une chute de tension dans le courant électrique. En psychologie, cette analogie correspond à une baisse de l’engagement du travailleur dû à une perte de sens de son travail. En d’autres termes, le travailleur démissionne mentalement de son travail.
« J’ai l’impression qu’on a cru que j’étais comme une poule, vous voyez ? Mais en fait, je suis un oiseau. On ne savait pas que j’étais capable de voler. Moi le premier. Et depuis quelques temps, j’ai cette sensation qu’on me garde au sol en maintenant mes ailes au corps. Je sais rester au sol, mais ce n’est pas dans ma nature. Je sais faire le travail qu’on me demande de réaliser, mais je sais et je sens que j’ai d’autres compétences pour grandir professionnellement. J’ai envie d’évoluer. J’ai des ailes et c’est dans ma nature de voler. C’est étrange de le dire comme ça, mais je ne suis pas une poule, mais bien un oiseau ».
Dans le cas d’Arnaud, son engagement pour son travail diminue et il est moins alerte quant à la qualité du travail qu’il fournit. « La personne qui est en brown-out, de par le fait qu’elle est démotivée par son travail dans lequel elle ne retrouve plus de sens, est incapable de se valoriser. Il en découle un repli sur soi, un état dépressif qui peut aller très loin.», Virginie Di Giamberardino, Psychsocial Team Manager chez Cohezio.
S’il y a bien un symptôme qui doit vous alerter aussi bien en tant que manager que travailleur concerné, c’est la démotivation. « C’est le premier des symptômes et aussi le plus visible. Après viennent toute une série d’autres signes : un sentiment d’absurdité de son travail, d’inutilité, d’aberration, de perte de sens de l’humour mais aussi à l’inverse, d’avantage de cynisme de la part du travailleur. Ce dernier se remettra aussi en question, tant dans sa vie professionnelle que privée. », conclut Virginie Di Giamberardino.
Arnaud commence en effet à se poser des questions sur son avenir dans la société. Il apprécie la sécurité d’avoir un emploi, mais ce n’est plus suffisant : il est de moins en moins épanoui et de plus en plus frustré. Arnaud cherche à se repositionner et le manque de perspectives dans l’entreprise où il travaille rend la tentation d’aller consulter les offres d’emploi inévitable, pour éventuellement un jour démissionner. Hélas nombreuses sont les entreprises qui se targuent d’avoir engagé un profil intéressant, mais qui ne l’exploitent pas à bon escient. Or le brown-out risque justement de faire son apparition si l’écart entre le potentiel du candidat et le travail réel est trop important.
Dans certains cas, il arrive aussi que des collaborateurs remettent jusqu’à l’essence même du domaine de leur travail en question. Dans ces cas, un conflit de valeurs est généralement à la source de leur brown-out. On assiste alors à des reconversions professionnelles spectaculaires, vers des secteurs totalement différents de leur formation de base. Dans ces deux cas de figure, la quête est toujours la même : le besoin de retrouver du sens dans ce qu’on fait.
Votre collaborateur peut quitter l’entreprise mais ce n’est pas une fatalité. Arnaud ne ressent aucune forme d’animosité à l’encontre de son employeur, il souhaite juste qu’on lui donne un travail où il lui sera permis de déployer ses ailes, d’exploiter le potentiel de ses ressources. Comment faire avec ce type de collaborateur ?
« Le manager doit avoir une capacité de prise de recul et être innovant afin que le véritable sens au travail émerge dans l’équipe et au travers leur travail. Pas seulement en communiquant sur et expliquant les objectifs et finalités des tâches à réaliser mais en y mettant de la matière. Pour ce faire, il doit éloigner la compétition en interne et développer une synergie dans l’équipe : mettre en lumière la contribution de tous à un objectif collectif et commun, aider ses collaborateurs à développer leur maturité en les faisant passer du statut d’exécutant à celui d’acteur de l’entreprise.. ». Pour ce faire, n’hésitez pas à rompre avec le management vertical où l’employé est davantage considéré comme un « exécutant », au profit d’une gestion d’équipe qui soit d’avantage horizontale où on valorise la co-construction et la cohésion de l’équipe.
Le remède au brown-out ? « Evitez la routine ! La promotion est une solution, qui par la même occasion est aussi une forme de reconnaissance des compétences de votre collaborateur. Une réorientation de carrière peut également être imaginée». De manière générale, il est important d’informer les collaborateurs sur les perspectives possibles qu’il y a dans l’entreprise. Communiquer sur ces perspectives-là, c’est permettre à tous ceux qui désirent d’évoluer dans leur travail de leur permettre de grandir et de s’épanouir. Par contre, dans le cas d’un désir de nouveaux horizons, proposez à votre collaborateur un changement de poste en interne. Cette réaffectation permettra au collaborateur de découvrir un nouvel horizon de savoirs et d’acquérir de nouvelles compétences, de quoi briser la routine et de retrouver la motivation insufflée par un sentiment de renouveau.
Epuisement résultant du manque (prolongé) de réciprocité entre l’investissement et ce qui est reçu en retour. Cet épuisement a un impact sur le contrôle des émotions et des cognitions, ce qui provoque aussi des changements dans les comportements et les attitudes (prise de distance), et résulte en un sentiment d’inefficacité professionnelle.
Le bore-out est un état psychologique créé par la faible excitation et l’insatisfaction qui résultent d’une sous-stimulation de l’environnement de travail.
Baisse de l’engagement du travailleur dû à une perte de sens de son travail.