30 janvier 2019
Dans un article précédent, nous avions analysé les risques psychosociaux liés aux déplacements professionnels.
Mais qu’en est-il pour ceux dont c’est le métier de se déplacer ? Les risques psychosociaux évoqués sont-ils dès lors plus importants ? Ils sont à prendre en compte, mais nous nous concentrerons ici sur ceux qui sont le plus évoqués par les intéressés eux-mêmes.
Les professionnels de la route sont nombreux : chauffeurs poids lourds, chauffeurs-livreurs, chauffeurs de taxi, conducteurs de bus ou d’autocar. Chacun de ces métiers comporte des spécificités propres, et il est impossible de toutes les citer ici. Cependant, le dénominateur commun de tous ces métiers est bel et bien la conduite ; laquelle est d’une part répétitive, monotone, et d’autre part, nécessite une vigilance extrême.
Nous pouvons dès lors supposer que conduire pour le travail expose à un stress chronique. En effet, la responsabilité de la vie d’autrui est permanente, qu’il s ‘agisse de la vie des passagers ou des autres usagers de la route.
Et pourtant, ce n’est pas le stress lié à la conduite elle-même qui est identifié comme étant le risque psychosocial le plus fréquemment cité par les travailleurs des sociétés de transport, mais bien les 3 suivants :
Il s’agit, pour les chauffeurs des transports en commun, autocars ou taxis de l’agressivité du public envers eux. Les comportements des passagers peuvent aller d’un manque de courtoisie à l’agression verbale ou physique, en passant par la fraude et la dégradation du matériel (bris de vitre, lacération des fauteuils, jets de pierre,…). Le risque d’agression est beaucoup plus élevé chez les chauffeurs que la moyenne1, et particulièrement pour les chauffeurs de taxi (risque 15 fois plus élevé que la moyenne en ce qui concerne une agression physique, le double en ce qui concerne le vol).
Pour les chauffeurs de camion, il s’agit des agressions ou vols de chargement sur les aires de repos. On constate depuis 2012, que la criminalité est en hausse sur les aires d’autoroute, liée à 2 raisons principales : les vols de marchandise et les infractions relatives aux migrants.
Les professionnels de la conduite sont souvent soumis à des horaires de travail irréguliers, très variables et parfois non prévisibles. Ils peuvent également travailler de nuit ou le week-end. Ces conditions de travail perturbent non seulement leur vie sociale mais également familiale. De plus, il est à noter que leur marge d’autonomie est réduite. En effet, ils ne peuvent pas contrôler l’organisation de leur travail ; laquelle est dictée par l’ordre des livraisons ou les trajets prévus. L’autonomie est encore plus faible dans le transport des voyageurs.
Pour les chauffeurs poids-lourds et chauffeurs livreurs, la feuille de route devient souvent de plus en plus variable ou complexe, les délais de livraison stressants. Ils sont dès lors amenés à empiéter sur leur temps de repos ou de congé pour répondre aux demandes de leurs employeurs. La réglementation sur le temps de conduite concernant les chauffeurs poids lourds, mise en place pour leur garantir le repos dont ils ont besoin, semble paradoxalement être devenue une source de stress supplémentaire. En effet, elle impose des moments de pause en ne tenant compte ni de l’état de fatigue, ni des contraintes matérielles (disponibilité d’un lieu de repos par exemple), ni de la pression émise par l’employeur pour respecter les délais. La plupart des routiers sont amenés dès lors à contourner le contrôle du tachygraphe2.
Le travail en isolement est le fait de tout employé qui travaille principalement sans contact direct avec un collègue. C’est le cas des conducteurs qui, même s’ils ont des contacts avec la clientèle, n’ont que très peu de contacts directs avec leurs collègues et supérieurs.
Cela augmente le risque au niveau physique quand des situations de violence ou d’accident peuvent survenir, ou quand le travailleur peut être amené à agir de manière inadéquate et prendre lui-même des risques (vitesse excessive, consommation de substances illicites, …) sans que ses collègues ne le remarquent et ne puissent intervenir immédiatement. L’isolement peut également être psychique, et être difficilement supporté, générant un sentiment d’abandon ou une grande frustration. Face à l’imprévu, le conducteur est seul.
Toutes les contraintes cumulées de la profession peuvent mener à un état de stress permanent. Lequel pourrait provoquer des addictions (à l’alcool, aux tranquillisants,…), des problèmes de santé (fatigue, migraines, insomnies, hypertension artérielle, troubles alimentaires,…), et amener à l’épuisement professionnel (burn-out). Il existe également d’autres problèmes de santé liés à l’activité même de conduire (les troubles musculo-squelettiques lombaires en sont un exemple). Et c’est sans compter les conséquences au niveau de la fréquence des arrêts de travail et l’augmentation du risque d’accident.
Mais tous les conducteurs professionnels ne ressentent pas ce stress de la même manière et il existe des mesures permettant de limiter les effets négatifs des facteurs de stress. Nous reviendrons sur ces pistes dans le numéro prochain d’ACTUASCAN. A suivre donc !
1. “Conduire et santé. Une revue de la littérature“, Documents pour le Médecin du Travail n°113, INRS, 1er trimestre 2008
2. “Onderzoek wijst uit : rij- en rusttijden bezorgt vrachtwagenchauffeur veel stress“