back-arrow 25 juillet 2023

Agressivité au travail, comment réagir ?

Professeurs, policiers, personnel soignant, agents d’accueil ou de call centers, commerçants, … nombreux sont les travailleurs en contact régulier et direct avec le public. C’est pour eux le plus souvent une opportunité d’échange, de reconnaissance et de gratitude, mais parfois aussi une source d’agressivité de la part de certains de leurs interlocuteurs. Verbale, non-verbale, voire physique, comment se manifeste cette agressivité au travail ? Comment y faire face ? Quels outils peuvent aider à la gérer ?

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« Quand il m’a hurlé dessus, je me suis sentie comme une moins que rien, raconte Camille, institutrice en 2ème maternelle. Je souhaitais juste lui rappeler le paiement en retard pour la cantine de son fils. J’étais loin d’imaginer que ce papa était arrivé dans ma classe dans un contexte de tension nerveuse déjà très importante. Ce matin-là – je l’ai appris par après – , il avait eu une altercation avec son épouse, avait renversé son café sur sa nouvelle chemise et il s’était mis sensiblement en retard à cause d’un accrochage en voiture. Il était resté calme jusque-là et ma remarque a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase ». Ce témoignage illustre parfaitement ce qu’on appelle l’agressivité-frustration, c’est-à-dire le phénomène de « la goutte d’eau qui a fait déborder le vase ». C’est l’une des deux formes principales que peut prendre le phénomène de l’agressivité. Elle survient suite à l’accumulation d’une tension nerveuse trop importante. L’éclat de colère permet alors de décharger cette tension. Tout le monde n’est pas égal face à ce type d’agressivité : le seuil de tolérance avant la décharge diffère d’une personne à l’autre.

La deuxième forme que peut prendre l’agressivité, c’est la forme dite instrumentale, qu’on peut paraphraser par la formule « si tu t’énerves, tu obtiendras ce que tu demandes ». Dans ce cas, le comportement agressif est utilisé comme un outil de communication pour parvenir à un objectif, pour obtenir quelque chose. Il s’agit d’une réaction moins impulsive et donc plus construite que dans le cadre de l’agressivité – frustration. « Je travaille à l’accueil dans un centre hospitalier, raconte Lisa, 43 ans. Les personnes me contactent pour prendre des rendez-vous avec des médecins spécialistes. La réalité est telle que pour certains spécialistes, le délai d’attente est de  plus de 6 mois ! Je ne peux évidemment rien y faire, mais c’est chez moi que les gens se plaignent ! Mardi dernier, lorsque j’ai annoncé ce délai à un patient, il a commencé à se montrer menaçant et agressif. Il s’est même présenté physiquement à l’accueil pour redemander avec insistance un rendez-vous dans un délai raisonnable. Face à ses menaces, j’ai fini par craquer. Je lui ai proposé une plage pour les rendez-vous urgents. Une fois qu’il a obtenu ce qu’il souhaitait, il a quitté les lieux sans dire un mot». Il est humain de céder à cette agressivité-instrumentale mais cette réaction a pour effet de renforcer les croyances selon lesquelles l’attitude déplacée permet d’arriver à ses fins.

Comment faire face ?

Réagir face à un comportement agressif n’est jamais aisé, et certainement pas naturel.  Avant tout, il est essentiel de réaliser que dans une communication agressive, il faut au moins être deux. Même si la personne agressive est toujours responsable de ses réactions, la personne agressée peut jouer un rôle important : par son comportement, elle attisera ou apaisera l’agresseur.

Voici quelques conseils simples destinés à vous aider à gérer une situation de tension..

  • Eviter de répondre à l’agressivité par l’agressivité
    « Quand on m’agresse, j’agresse, reconnaît Julien, téléphoniste dans un grand call center. J’estime ne pas être payé pour être maltraité par les utilisateurs. J’ai ma fierté, je ne me laisse jamais marcher sur les pieds (…). Oui, il est arrivé que la situation dégénère, qu’on en vienne aux insultes. » Cette attitude, si elle est bien compréhensible, est cependant à déconseiller : le comportement agressif de l’un ne fait que renforcer le comportement agressif de l’autre. C’est l’escalade. Adopter une attitude verbale et non-verbale calme et sereine mais assertive, produira un meilleur résultat, tant pour l’agresseur que pour l’agressé.
  • Ecouter attentivementFace à une personne agressive, plutôt que de rester sur la défensive, prenez le temps de l’écouter avec empathie sans l’interrompre pour vous justifier ou exprimer votre désaccord. En effet, généralement, elle souhaite exprimer explicitement son problème/mécontentement et être reconnue dans ses frustrations. Elle se montre dès lors souvent peu tolérante aux interruptions. Permettre à l’interlocuteur de s’exprimer jusqu’au bout a pour effet de faire retomber la tension et de créer un climat favorable à un échange serein.
    Pour témoigner d’une écoute de qualité,  la congruence entre le langage verbal et non-verbal est primordiale : les mots doivent donner le même message que le corps (mimiques, ton, respiration) et ne pas être en contradiction.
    La reformulation peut également être un outil pertinent. Il s’agit de renvoyer à l’autre ce que nous avons compris de son message. La reformulation a pour objectifs à la fois de s’assurer de la bonne compréhension du message émis et de démontrer que l’écoute accordée est une écoute de qualité. La reformulation peut porter sur les faits, les sentiments et les idées. Il faut cependant éviter qu’elle soit trop fréquente ou qu’elle porte sur l’identité de l’interlocuteur.
  • Utiliser le « je » pour expliquer votre perception de la situation
    Un ton accusateur ne fera que renforcer l’état agressif de votre interlocuteur. C’est pourquoi, il est intéressant de s’adresser à l’autre en utilisant le « je » comme sujet plutôt que le « tu ». Dire « je me sens menacé(e)» plutôt que « tu me menaces » sera mieux perçu. Le message est le même mais la manière dont l’interlocuteur le reçoit est sensiblement différente.
  • Garder vos distancesLors d’une interaction agressive, il est essentiel de garder ses distances par rapport à son interlocuteur. Pour des raisons de sécurité évidentes en premier lieu. En effet, il n’est jamais exclu que l’agressivité verbale dégénère en un passage à l’acte violent. Il est donc important, dans la mesure du possible, de ne pas se situer à proximité de son interlocuteur.
    Respecter sa propre distance de confort (entre 1 m et 3 m en fonction des individus) ainsi que celle de son interlocuteur  permettra ensuite aux protagonistes de garder un sentiment de sécurité dans l’échange. Si elle vous sent trop proche, la personne agressive risquera de se sentir bousculée dans sa sphère personnelle ou intime et cela pourrait avoir pour effet de renforcer encore son attitude menaçante.
  • Être assertif
    L’assertivité, c’est  pouvoir s’affirmer, avoir la capacité de s’exprimer et de défendre ses droits sans empiéter sur ceux des autres. Elle correspond à une attitude de fermeté par rapport aux événements et à ce que l’on considère comme acceptable ou non, de façon à développer des relations plus harmonieuses. Elle est certainement l’attitude la plus appropriée à développer dans une situation de tension. Elle demande cependant des ressources et de la préparation, qui peuvent s’acquérir grâce à des outils de communication simples, lesquels méritent d’être réfléchis et testés dans des situations pas forcément conflictuelles.

La méthode DESC est un premier outil de communication qui favorise l’assertivité et qui peut utilement être mis en pratique dans le cadre d’une interaction agressive. Il est particulièrement indiqué pour exprimer un feedback négatif, un inconfort, un vécu difficile. Il se décline en  quatre étapes :

  • D pour Description des faits, de la situation, du problème : « Vous criez et tapez votre poing sur mon poste d’accueil ».
  • E pour Exprimer ses Emotions, son ressenti en utilisant le « je ». « Je me sens menacé ».
  • S pour Suggérer des pistes de Solution, formuler ses propres attentes, besoins. Il s’agit de réaliser une vraie demande. « Accepteriez-vous de prendre le temps de discuter calmement en aparté de ce qui vous préoccupe ? ».
  • C pour Conclusion. C’est l’expression des conséquences positives pour l’interlocuteur d’accéder à la demande. L’objectif est de trouver une solution gagnant-gagnant. « Afin que nous puissions ensemble trouver une solution adaptée à vos besoins ».

Le « disque rayé » est une autre technique qui permet de gérer une situation de tension de manière assertive. Elle consiste  à répéter sans cesse le même message, comme dans un disque rayé :

  • «Le professeur n’a malheureusement pas de disponibilité d’agenda pour vous recevoir dans un délai inférieur à deux mois.
  • Je souffre depuis plusieurs semaines ! Je me suis enfin décidée à prendre un rendez-vous avec le professeur, j’exige donc  un rendez-vous plus rapidement !
  • Je comprends votre réaction. Le professeur n’a malheureusement pas de disponibilité d’agenda pour vous recevoir dans un délai inférieur à deux mois.
  • Vous ne comprenez rien ! J’ai vraiment besoin de ce rendez-vous ! Je ne travaille plus depuis des semaines, mon salaire est diminué, je ne m’en sors plus !
  • Je suis sincèrement désolé monsieur de vous savoir dans une telle situation mais le professeur n’a malheureusement pas de disponibilité d’agenda pour vous recevoir dans un délai inférieur à deux mois. »

Rêvons un peu et gageons que grâce à ces quelques conseils et un peu d’entraînement, les plus mordants de vos interlocuteurs se transformeront en doux agneaux dociles…

Un employeur averti …

Différentes obligations légales incombent à l’employeur dont les travailleurs entrent en contact avec des tiers sur le lieu du travail.

Il doit tout d’abord mettre en place un registre des déclarations de faits de violence de tiers. Ces déclarations contiennent une description des faits de violence, de harcèlement moral ou sexuel au travail causés par d’autres personnes sur le lieu de travail, dont le travailleur estime avoir été l’objet ainsi que la date de ces faits. Elles ne comprennent pas l’identité du travailleur sauf si ce dernier accepte de la communiquer. L’employeur doit conserver les déclarations des faits repris dans le registre pendant cinq ans à dater du jour où le travailleur a consigné ces déclarations.

L’employeur doit aussi tenir compte du fait que ses travailleurs entrent en contact avec d’autres personnes sur le lieu du travail dans l’analyse des risques psychosociaux et la détermination des mesures de prévention à mettre en place. A cet effet, l’employeur tient compte, entre autre, des déclarations des travailleurs qui sont reprises dans le registre de faits de tiers.

L’employeur doit enfin veiller  à  ce  que  les travailleurs  qui,  lors  de  l’exécution  de  leur travail, ont fait l’objet d’un acte de violence commis par un tiers, reçoivent, à charge de l’employeur, un soutien psychologique approprié auprès de services ou d’institutions spécialisés.